Le récit que je vous propose aujourd’hui est une version librement adaptée du récit initialement rédigé par Alexandre, relu, corrigé, amendé par les autres participants au vol (moi, Guillaume et Hervé) et publié sur la pilotlist.
10 juillet, 7h, j’arrive à l’aéroclub de Pontarlier, mes 3 compères du jour, Guillaume, Alexandre (les 2 jeunes avec qui j’ai fait mes vols d instruction PPL) et Hervé sont déjà la. Programme de la journée : un Pontarlier – Cuers aller-retour à quatre pilotes (Guillaume doit voir sa dame au soleil, sinon on ne serait pas aller aussi loin 😉 ). Les branches sont réparties de la façon suivante :
- Pontarlier LFSP – Romans LFHE (Alexandre)
- Romans LFHE – Cuers LFTF (Guillaume, forcément)
- Vol local Cuers dans les calanques (Hervé)
- Cuers LFTF – Le Versoud LFLG (moi même)
- Le Versoud LFLG – Pontarlier LFSP (Alexandre)
Impression de la météo, des NOTAM et vérification de toute les infos utiles au vol, nous passons au briefing.
Un beau temps est prévu sur toute la France, mais un faible risque d’orages est annoncé sur le relief dans le massif central et les alpes, dans une zone qui va du nord de Lyon au sud de Valence. Nous décidons d’y aller. Le risque d’orage annoncé étant faible (les TAF indiquent TEMPO, PROB 30), nous nous disons que nous pourrons soit attendre de les laisser passer, soit contourner les cellules orageuses.
Outre le fait que c’est la première fois que nous descendons dans le sud pour Alexandre, Guillaume et moi (tous les 3 PPL depuis moins de 2 ans), notre transpondeur est HS depuis quelques jours, ce qui ajoute une difficulté potentielle supplémentaire. Notre chef-pilote, consulté, estime pour sa part que cette difficulté ne lui parait pas insurmontable (4 pilotes à bord). La météo étant bonne, il sera facile d’éviter les zones de Lyon et de Marseille.
07h30, décollage de Pontarlier. L’air est calme, le lever de soleil sur le massif jurassien splendide. Le vol se déroule sans problèmes particuliers. En arrivant aux alentours de Grenoble Isère, nous observons des averses sur l’ouest de la région lyonnaise. Premiers signes d’instabilité. 1H15 après le décollage, Alexandre pose notre fidèle DR400-180 sur la piste en herbe de Romans. Petite pause café, nous en profitons pour demander des informations aux pilotes locaux, notamment sur l’évolution de la météo dans la vallée du Rhône.
Nous changeons de pilote, Guillaume est désormais aux commandes. Décollage, nous longeons la CTR de Valence à une distance respectable. Puis nous contactons Orange pour connaître activité de leurs zones militaires. Nous profitons du paysage, entre villages provençaux, champs de lavande (cette couleur mauve n’est pas habituelle pour des pilotes du Haut-Doubs) et bien sûr le massif et le Mont Ventoux.
Nous longeons successivement Apt, Pertuis, et nous nous retrouvons à l’entrée des zones du Luc.
Contact avec l’approche pour un transit (sans transpondeur) vers Cuers. Pas mal de monde sur la fréquence, nous n’avons pas été les seuls à avoir eu l’idée de voler ce jour-là dans le sud. L’occupation de la fréquence est d’ailleurs parfois conflictuel.
L’absence de transpondeur nous oblige à faire un suivit particulièrement précis de la navigation et à nous signaler fréquemment au contrôle.
Cuers est en vue, avec ses Puma et Breguet Atlantic (certains à moitiés démontés) au parking militaire. La tour n’est pas active, nous ne pourrons pas utiliser les brins d’arrêts pour le freinage, dommage;-) . Atterrissage à Cuers sous la chaleur du Sud !
Guillaume nous abandonne, nous mangeons à 3 au restaurant du terrain un délicieux tartare de saumon puis repartons pour un vol vers les calanques. Nous voulions longer la côte de Saint Tropez à Marseille, mais un coup de fil à l’organisme qui gère la zone nous confirme que sans transpondeur, c’est grillé pour le transit dans la CTA de Toulon. Nous décollons, pour une option courte (Le Castellet, Cassis, les Calanques jusqu’à Sierra Echo (Marseille) et retour par le même chemin) et tentons en vain de contacter Marseille Approche ou Provence Info pour nous signaler. Nous pensons à une panne radio. Un essai radio avec Cuers nous enlève tout doute. 1440° plus tard (4×360) verticale Sierra Lima, un point de transit, en attendant d’avoir réglé le problème. Nous parvenons enfin à contacter Nice Info, pour leur demander si Marseille APP fait la sieste (fort compréhensible d’ailleurs, avec cette chaleur…). Négatif selon lui. Bien qu’en dehors de ses zones, il nous conseille de continuer sous la TMA, dans les espaces G, et d’essayer de rappeler Marseille. Après plusieurs tentatives, c’est en arrivant à La Ciotat que nous arrivons à établir le contact (difficile probablement à cause du relief et de notre altitude faible : 3000 ft).
Le contact est franc :
« Et comment vous faites pour voler sans transpondeur, Fox Papa X-ray »
Ce qu’on aurais voulu dire : « Ce n’est pas le transpondeur qui fait tourner le moteur ! »
Ce qu’on a vraiment dit : « On est en classe Golf, on veut poursuivre vers les calanques »
Transit accepté, mais ça sera 1500 ft mer maximum.
On profite pendant quelques instants de ce paysage, magnifique, avec une eau d’une couleur turquoise à mourrir d’envie d’y aller faire une petit plongeon.
Nous remettons bientôt le cap sur Cuers pour chercher Guillaume.
Prise d’une dernière météo avant le départ. Les METAR et TAF sur Lyon, Grenoble et Chambéry sont bons, mais des orages se sont formés à l’ouest de Valence et s’évacuent vers l’est. Nous décidons d’y aller sans plus traîner, en gardant l’option du demi-tour ou du déroutement sous la main en cas de dégradation des conditions. Je serais aux commandes pour cette branche qui doit nous emmener jusqu’au Versoud (Grenoble).
Décollage, nouveau contact avec Le Luc APP. Le trajet de retour est quelque peu différent puisque j’ai décidé de passer par le Lac de Sainte Croix puis Manosque pour longer le Mont Ventoux, puis enfin remonter le Rhône puis la vallée de Grenoble. Une petite phrase du contrôleur à un autre appareil nous fait sourire : « Et donc finalement Victor Echo vous faites quoi, vous suivez la gazelle ? ». La petite veinarde 😉 !
Nous quittons Le Luc. Je contacte Marseille Info, le contraste est énorme, nous sommes les seuls sur cette fréquence.
Sans transpondeur, la contrôleuse nous annonce que « Ça va être difficile de vous faire de l’info trafic, mais on va essayer.».
Je signal notre position aussi souvent que nécessaire. La contrôleur manque de s’étouffer lorsque je lui annonce que : « Ensuite, on prendra l’autoroute à partir de Pierrelatte jusqu’à Romans. ». Faudra pas se louper sur la sortie d’autoroute donc 😉 .
La dame nous accompagne très gentiment pendant le vol, coordonne avec Lyon notre prochain passage sans transpondeur :
« Fox Papa X-Ray, vous avez bien une panne de transpondeur hein ? »
« Affirm, Fox Papa X-Ray. »
« D’accord, parce que c’est ce que je leur ai dit, ça serait bien qu’on ait la même version. »
Effectivement, ça fera plus sérieux !
Mais c’est en débarquant au niveau de Pierrelatte que nous réalisons que Lyon, ce ne sera pas pour tout de suite…
De grosses cellules orageuses se développent derrière la centrale du Cruas et se décalent au fur et à mesure vers l’est. La vallée du Rhône n’est que partiellement bouchée, et le temps semble meilleur sur les contreforts des Alpes. Cependant, d’autres cellules se développent en direction de Lyon, et il fait assez sombre sur Grenoble, et un passage dans les zones de Lyon semble difficilement envisageable sans transpondeur. Nous décidons de nous dérouter. Nous hésitons entre Pierrelatte et Montélimar. Les orages se formant derrière le Cruas, il est évident que ça ne passera pas après Montélimar. Nous sommes tous d’accord a bord que le déroutement est obligatoire, nous avons le choix en Pierrelatte et Montélimar. Je consulte mes collègues à bord, pas d’avis sur aucun des terrains, en tant que commandant de bord, je tranche rapidement : ça sera Montelimar. Pas d’objection à bord ! Le temps de demander les éventuels NOTAM sur le terrain, je quitte Marseille Info et passe avec Montelimar.
Verticale Montélimar, un éclair fend le ciel juste face à nous à quelques nautiques, nous sommes au sol quelques minutes plus tard (et bien contents d’y être !). Avec 3h de carburant dans les ailes, nous avons de quoi rentrer sur Pontarlier (en théorie…)
Nous nous rendons vite compte que le choix de Montélimar était plutôt bon, parce qu’à la différence de Pierrelatte, le terrain possède un météorologiste (qui nous à fourni des informations précieuses) et n’est pas trop isolé.
D’ailleurs, nous comprenons aux tâches violettes qui se baladent sur les écrans du prévisionniste et à sa tête lorsque nous lui donnons notre destination que nous avons le temps de souffler un peu. Pour lui, ça ne se dégagera pas avant 20h local.
Nous nous posons, discutons des possibilités pour la soirée. Deux choix possibles :
– Attendre que le ciel se calme, quitte à partir tard et à se poser à Dole, plus proche et où la météo est meilleure que sur le Jura (puis rentrer sur Pontarlier en voiture pour la nuit et repasser chercher l’avion demain). L’option de rentrer sur Pontarlier dans la soirée est rapidement écartée, car même en redécollant à 20h, nous ne pourrions pas y arriver avant la nuit.
– Passer la nuit à Montélimar et repartir au petit matin sur Pontarlier.
Nous nous rendons compte que nous sommes dans un parfait cas d’école: des décisions à prendre avec des facteurs comme l’« objectif destination » (certains sont très attendus à la maison ! ), la météo, l’absence de transpondeur à prendre en compte. Pour nous, pilotes peu expérimentés, c’est une première (hors cas simulés en instruction) !
Nous continuons à observer le ciel, tout en prévoyant le plan B. Nous attendons 20h pour prendre la décision finale. Nous avons la chance de croiser un autre type de gazelles, les Miss Montélimar qui venaient faire un vol d’initiation (hélas, pas avec nous…).
Et à 20h, la météo semble s’améliorer. Semble seulement, car même si la plupart des cellules se fragmentent, d’autres continuent à bourgeonner au dessus de nos têtes, et le ciel est loin d’être clair partout.
Nous décidons de dormir sur place, hôtel réservé, nous y sommes gentiment déposés par des membres de l’un des club local.
Le temps d’arriver à l’hôtel et d’y poser nos affaires, il est déjà 21h passés. Montélimar By Night n’est pas très commercial. Entre 22h et 5h, les nougatiers sont fermés, donc le nougat sera pour une autre fois :
11/07/12, 05H30, aérodrome de Montélimar.
Nous préparons l’avion, en sachant qu’à 8H00, nous pourrons prendre notre petit déjeuner à Pontarlier . Alexandre est aux commandes, je suis en place droite. 6h locales, nos 180 chevaux s’éveillent dans le silence du crépuscule de Montélimar.
Hervé profite du paysage en assurant l’info-trafic (pas trop dur on est seul) et, bien sûr, Guillaume dort (l’histoire ne dit pas qui est le ronronne le plus fort : les 180 CV du DR400 ou Guillaume dans les bras de Morphée). Décollage face au nord, passage à l’est de la centrale nucléaire. Puis travers est de Valence, la météo est bonne, l’air est calme, seule une couche de stratus vers 4000ft QNH nous empêche de monter. Le chemin est le même qu’à l’aller, le passage au Versoud est supprimé. Passage dans la TMA de Chambéry, entre le lac et la TMA de Lyon, seule route « facile » pour aller vers le nord sans transpondeur (il y en a bien une qui passe à 2000ft entre deux centrales, mais bizarrement ça donne moins envie…).
En sortant de la TMA de Chambéry direction Oyonnax, nous nous rendons compte que la couche n’est finalement pas si stable que ça. Des groupes de cumulus accrochent le relief en remontant vers le nord-est, ce qui nous oblige à nous diriger plus vers la plaine au lieu de suivre le relief. Au niveau de Lons le Saunier, le plafond commence sérieusement à descendre (ou c’est le relief qui monte, à voir…). Il ne reste guère plus d’une heure de carburant, et même si Pontarlier n’est qu’à 20 minutes, nous n’avons pas plus envie que ça de faire du 500 ft sol pour se retrouver bloqués à quelques minutes de Pontarlier et devoir se dérouter vers Besançon pour finir dans un champ faut de carburant. Surtout après avoir sagement passé la nuit à Montélimar à causes des orages…
Et de nouveau, un déroutement. Sur Lons, cette fois-ci. Au sol, nous envisageons de faire les pleins, mais un mercredi à 07h30, il n’y a pas foule pour nous servir à la pompe au terrain de Lons. Nous attendons (encore !) que la météo s’améliore. Au bout d’une heure, un coup de fil d’un pilote de Pontarlier nous apprend que c’est encore bien accroché autour de Pontarlier. Nous décidons de partir sur Dole, pour faire les pleins et éventuellement trouver de quoi prendre un petit déj’.
Saut de puce jusqu’à Dole.
Les pleins, un café, des pépito comme croissants, et deux heures plus tard, après un coup de fil à Pontarlier, nous repartons enfin direction la maison ! Le plafond est monté, mais ce n’est pas la folie non plus, ça varie entre 800 ft et 1200ft sol en fonction du relief. Comme d’habitude la plaine de Pontarlier est dégagée, c’est avant que c’est moins bien.
Terrain en vue, ultimes efforts d’Alexandre pour se poser par 15 nœud de travers. Nous sommes enfin rentrés, 30h après être partis et avec 16h de retard ! Mais nous sommes les quatre entiers. Enfin cinq, avec l’avion.
Pour conclure, ce fut une expérience intéressante pour nous 4, chacun en retire de nombreux enseignements et une bonne expérience de déroutements en conditions réelles qu’aucun de nous 4 n’avait encore eu l’opportunité de pratiquer ! Ce vol nous a également permis d’user enfin un peu la partie la plus méridionale de nos carte France OACI Sud-Est !
Nous avions embarqué des caméras, des vidéos devraient donc suivre !
2 thoughts on “Pontarlier-Cuers : un vol (presque) sans histoire !”