Crashs des B737 MAX : des informations sur le MCAS

Je lis pas mal de choses inquiétantes sur le nouveau système « anti décrochage » des Boeing 737 Max suites au crash de Lion Air et de d’Ethiopian Airlines. A ce sujet, le rapport préliminaire du crash du vol Lion Air est apporte pas mal d’éléments.

L’information qui m’a poussée à me renseigner plus est le fait que le système MCAS « mette l’avion en piquée ». Cette affirmation, qu’on retrouve sur plusieurs sites d’informations (un exemple parmi d’autres) sont évidement incompréhensibles pour le commun des mortels mais interroge encore plus ceux qui ont un minimum d' »airmanship ». En effet, il parait inconcevable qu’un fabriquant d’avion mette, pour quelque raison que ce soir, un avion en piquée, la piquée étant une descente prolongée et prononcée, pouvant amener, en particulier sur des avions fins comme les avions de lignes modernes, à une augmentation de la vitesse qui peut être au moins aussi dangereuse que le décrochage que le système est sensé éviter (la survitesse peut entraîner la dislocation de l’avion en plein vol).

Le MCAS (Manoeuvering Characteristics Augmentation System) est un système introduit par Boeing sur le 737 Max, la toute nouvelle version du 737 dont l’exploitation commerciale à commencée il y a moins de 2 ans. Sur cette nouvelle version du 737, Boeing a été contraint de déplacer les moteurs. En effet, le 737 est très court sur patte, et les moteurs modernes ont un diamètre de plus en plus important (cela permet des réductions de bruit et de consommation). Sur la version précédente du 737, les moteurs faisaient une vingtaine de cm  de diamètre de moins, et le bas de la nacelle des moteurs se trouvait à environ 50 cm de sol. Pour ne pas que les moteurs se retrouvent trop proches du sol, Boeing les a avancé plus en avant de l’aile, de façon à pouvoir les remonter un peu et de conserver ainsi une garde au sol d’un peu plus de 40 cm.

Cette modification à eu pour effet de rendre l’avion plus sensible aux moments à cabrer. C’est à dire que dans certains cas, et notamment dans les phases ou les moteurs délivrent une puissance importante, le nez de l’avion à tendance à monter vers le ciel. Cela vient du fait que l’axe de poussée est décalée plus en avant et en dessous du centre de gravité du l’avion. C’est un bête problème de levier.

Afin d’éviter que les pilotes ne se fassent piéger par ce comportement, Boeing à introduit le MCAS, un système qui surveille l’incidence et va la réduire à la place des pilotes une fois une incidence donnée atteinte. Ce système n’est actif, entre autre, que si :

  • le pilote automatique n’est pas engagé
  • les volets sont rentrés.

Le système utilise le trim de profondeur pour corriger l’assiette de l’avion. Dès que l’assiette repasse en dessous de l’incidence de déclenchement du MCAS, le MCAS s’arrête. Le MCAS ne va donc pas, en condition normales, mettre l’avion en piqué. Par ailleurs, en cas d’activation du MCAS, les pilotes verront défiler le trim de profondeur, une grosse molette située entre les 2 pilotes :

Cockpit 737 Max
Cockpit 737 Max (source)

Le système agit sur le plan horizontal arrière de l’avion, au rythme de 0.27° par seconde et sur une plage de 2.5° maximum (cette valeur variant selon la vitesse calculée en nombre de Mach). Le trim défile donc pendant au maximum 10 secondes sous l’action du MCAS. Si après cette phase, l’angle d’attaque trop important persiste, le MCAS peut commander une nouvelle action sur le plan horizontal et ainsi de suite.

Les pilotes ont donc au moins 4 moyens de désactiver le MCAS

  • sortie de volets (c’est ce qu’on fait une première fois les pilotes du Lion Air, cependant, ils n’ont probablement pas compris pourquoi le trim s’est arrêté quand ils ont sorti les volets, et le trim s’est remis à défiler quand ils ont rentré à nouveau les volets)
  • des boutons trim cutoff qui permettent de désactiver le trim automatique
  • activer le pilote automatique
  • manipuler manuellement le trim

Le MCAS utilise, pour connaitre l’angle d’attaque, une sonde d’incidence. C’est une espèce de petite girouette sur le côté de l’avion qui permet de mesurer l’angle entre le flux d’air et l’axe transversal de l’avion. Il y en a 2 sur l’avion.

Sonde d'incidence sur 737
Sonde d’incidence sur 737 (source)

A chaque décollage, le système change de sonde pour le MCAS (on utilise une fois la sonde droite, une fois la sonde gauche). C’est un fonctionnement classique en aviation, cela permet de ne pas utiliser systématiquement le même équipement, ce qui permet d’identifie la défaillance de l’un des équipement. En effet, tous les équipements critiques sont doublés, de façon ce qu’en cas de défaillance de l’un des équipement tombe en panne, l’avion reste pilotable avec le second. Mais pour cela, il faut que le second fonctionne. Utiliser alternativement l’un puis l’autre permet d’éviter que le second équipement, qui ne serait jamais utilisé sinon, ne soit en panne sans que l’on ne s’en aperçoive. Le MCAS utilise donc une seule sonde d’incidence, alternativement la gauche et la droite. Le problème de cette approche est que le système ne peut pas s’auto-diagnostiquer : s’il fonctionne sur une sonde en panne qui donne de mauvaises informations, le système ne peut pas le savoir. On compte sur les pilotes pour identifier le problème et désactiver ce système absolument pas indispensable au vol (ça n’est qu’un système d’aide au pilotage) et poursuivre le vol.

La solution serait que le système prenne en entrée les informations des 2 sondes. Il compare les valeurs renvoyées par les sondes, et en cas de différence trop importante, peut conclure à une défaillance de l’une des sondes et donc se désactiver sans action pilote (mais en général en levant une alarme pour indiquer aux pilotes qu’une fonction est dégradée). J’ignore la raison qui à poussé Boeing à choisir la première approche plutôt que cette seconde, les enquêtes nous l’apprendront peut-être.

Une troisième approche est d’utiliser 3 sondes. On compare en permanence les 3 valeurs, et si une des valeurs s’écarte des 2 autres, alors c’est que la sonde associée n’est pas fiable. Le système peut continuer à fonctionne sur 2 sondes seulement en excluant celle qui renvoi des informations erronées. Cela offre une meilleure fiabilité de fonctionnement mais est plus coûteux (prix de l’intégration de 3 sondes et probablement une légère augmentation de consommation de carburant, les sondes étant situées à l’extérieur de l’avion, elles entraînent nécessairement un peu de traînée et donc de la consommation supplémentaire, je ne peux donner aucun ordre de grandeur cependant).

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